#Artist : Interview Christophe Voisin-Boisvinet – SKÁLD

La semaine dernière, Victor vous proposait de découvrir le tout nouvel album des français de SKÁLD intitulé Huldufólk sorti via Decca Records/Universal Music. Cette semaine, il s’est entretenu avec Christophe Voisin-Boisvinet, créateur et producteur de SKÁLD pour un échange autour des thématiques toujours aussi passionnantes abordées par le projet néo-folk.

Propos recueillis par Victor Brunerie

English version below


SKÁLD, c’est le nom incontournable de la scène folk Française de ces dernières années. On est beaucoup à vous avoir découvert avec le précédent album Vikings Memories. Comment a évolué le groupe depuis cet album ? 

SKÁLD, c’est une aventure collective, depuis ses débuts. J’ai toujours choisi des gens autour de moi, on a été focus sur les trois premières interprètes principaux sur les deux premiers albums, mais cette fois-ci, on évolue. On est de plus en plus nombreux, certains partent, d’autres arrivent. On est treize dans le collectif désormais, on peut monter jusqu’à dix-sept. On avait envie de mettre face à face un chœur d’hommes et un chœur de femmes, et être moins focus sur des voix solos.

On vous a vu en festival cet été, et également en salle à Lille, le projet attire de plus en plus, les gens s’ouvrent à ce type de musiques. Qu’a apporté la dernière tournée au projet SKÁLD selon vous ? 

Tout d’abord, on peut dire que la dernière tournée a été la plus importante du groupe. On avait eu que très peu de dates auparavant, pour plusieurs raisons : le début de l’aventure et la difficulté sur scène. Avec la première équipe, on avait beaucoup de mal à reproduire les albums sur scène. Désormais, on y arrive plus facilement grâce au travail que l’on a fait en résidence. On est également allé se frotter à des publics étrangers. La tournée Européenne et Scandinaves nous a apporté beaucoup, c’est un sacré pari de proposer notre musique à un public scandinave quand on touche à leurs racines, on était plutôt inquiet. Et pourtant, on a été ravi par l’accueil réservé, et on se sent désormais un peu plus légitime qu’avant.

Ce troisième album est différent, déjà visuellement, on a abandonné la traditionnelle photo avec les membres du projet, et on a un visuel sur la pochette d’album. Vers quoi vous avez voulu évoluer ?

Dès que l’on a défini le thème de l’album : Huldufólk c’est à dire le peuple caché, tout cet univers d’elfes, de trolls, de nymphes des bois, on a eu l’idée d’un album beaucoup plus conceptuel et visuellement moins caricaturale. On ne se voyait pas non plus mettre les treize participants sur la pochette. J’avais envie de quelque chose qui ouvre plus l’imaginaire avec ce chevalier ou cette chevalière au milieu de cette forêt sombre.

Sur l’album, il y a beaucoup de participant et donc des nouveaux instruments qui font leur entrée. 

Absolument, on utilise toujours les instruments traditionnels nordique : le nyckelharpa, les vielles d’avants… mais ici, j’avais envie d’ajouter la vielle à tête de cheval, instrument mongol dont le vrai nom est Morin khuur. On a ajouté aussi du didgeridoo, qui n’est pas nordique non plus, mais le son fonctionne parfaitement. On peut faire des drowns sans utiliser d’électronique, c’est organique et vivant. On en a peut-être un peu abusé sur cet album, mais j’aime beaucoup [rire]. Je n’ai pas encore trouvé comment on allait réussir sur scène a jouer du didgeridoo et chanter en même temps.

Ce qui m’a marqué à l’écoute de cet album, c’est ce mélange de voix entre elles qui se mêlent parfaitement bien et forme un vrai collectif de voix qui apporte un élément, comme un personnage d’une histoire. 

Je suis très content que ça évoque cela, car c’était le but. Huit timbres de voix ont été choisi pour se compléter. Ce que j’aime, c’est que les quatre voix de femmes se distinguent très très bien entre elles comme par exemple, sur le morceau « Hinn Mikli Drekir ». Mais elles peuvent aussi s’associer et ne former qu’une personne. Chez les hommes aussi, les voix de Marti Ilmar Uibo et Steeve Petit s’associent sublimement. Pour le coup, c’est un vrai groupe vocal avec des solos, des voix à l’unisson, parfois du texte différent qui se superpose. C’est extrêmement riche et je suis heureux que vous l’ayez ressenti.

J’ai lu que vous avez produit cet album dans une chapelle troglodyte. Vous pouvez nous en parler ? 

Ce choix est simple : il s’agit de mon studio personnel installé dans une chapelle troglodyte du XIème siècle près de Rennes. J’ai récupéré cet endroit et installer ce studio atypique. On est sous terre, sous une colline et la thématique de l’album était parfaite pour se sentir aussi proche de l’univers fantastique. C’était parfait pour cet album, mais aussi pour plein d’autres choses ! Ca nous plonge directement dans un univers et dans une époque particulière. Depuis le XIème siècle, il s’est passé énormément de chose dans cet endroit, et c’était le bon mood pour cet album.

Dans les histoires racontées sur cet album, quelles sont celles qui vous ont le plus marqué lors de votre recherche et vous ont inspiré ?

Il y a différents textes, et sur chaque, il y a des petites formules magiques, qui donnent un côté sortilège. Le texte « Ríðum, ríðum » qui n’est pas le plus ancien est celui qui m’a le plus parlé. Ce texte parle d’une route qui existe encore en Islande, qui est la route la plus courte pour aller d’un point à un autre, que l’on emprunte avec peur, peur de faire de mauvaises rencontres. Quand on l’emprunte, il y a urgence de le faire vite, on fouette les chevaux et on essaye de faire ressortir cette urgence dans l’interprétation. J’aime beaucoup cette joute verbale entre un troll et un SKÁLD sur le titre « Troll Kalla Mik », c’est une histoire de périphrase, de phrase qui ne veulent pas vraiment dire la même chose. On a fait jouer toute la partie troll par les hommes et celle SKÁLD par les femmes. J’ai également un faible pour le texte « Då Månen Sken » et sa lune qui brille. C’est l’histoire d’un jeune homme ensorcelé par une jeune elfe, qui finit par en perdre la raison et vivra dans la forêt toute sa vie pleine de mélancolie.

Même si l’album est un ensemble de contes, on finit par ressentir l’album comme un grand conte à lui-même. 

Oui exactement, c’est très conceptuel. La difficulté était de tenir ce concept avec les deux covers finales, c’est pour ça qu’il y a un petit morceau instrumental pour lier les deux.

Pour parler de ces deux reprises justement, on peut retrouver « Du Hast » de Rammstein, et celle qui m’a le plus frappée « A Forest » de The Cure. Pourquoi avoir choisi ses morceaux ? 

« A Forest », ça faisait très longtemps que j’avais envie de faire une version ralentie, plus mystérieuse. C’est un titre que j’écoutais beaucoup quand il est sorti, que j’ai toujours aimé et je trouvais que le texte rentrait parfaitement dans le thème de l’album. Ce garçon qui suit la voix d’une femme et qui n’a jamais été dans une forêt, qui cherche quelque chose qui n’existent pas comme Bjorn est ensorcelé dans le titre juste avant « Då Månen Sken ». L’idée assez ancienne de clôturer l’album avec ce titre et les bruitages de la forêt a pris vie. L’idée de « Du Hast », c’est parti d’une jam session, un challenge de reprendre le titre le plus connu de Rammstein avec des instruments ancestraux et de réussir à apporter une vision puissante de ce morceau. Le challenge nous a poussé.

L’album est sorti depuis quatre jours (au moment de l’enregistrement de cet interview), quels ont été les retours pour le moment ? 

Jusqu’à maintenant, ils sont plutôt bons ! Même globale très bon, en particulier ceux venant de l’étranger. En France, c’est toujours plus compliqué, on nous accorde toujours moins de légitimité. Ce qui est curieux, car en Scandinavie, quand nous y sommes allés, nous étions un peu sur des oeufs, on avait peur qu’on nous attaque sur l’authenticité, mais au final non, il était heureux qu’on chante leurs racines, leurs contes, alors que c’est ce qu’on nous reproche en France, plus qu’ailleurs. Mais sur cet album, pour l’instant on n’a pas encore eu de reproche. Ça a l’air de plaire dans l’ensemble.

Pour terminer, qu’est-ce que l’on peut souhaiter au projet SKÁLD ?

Que l’on parte sur les routes, et c’est ce qui est prévu dès Avril 2023, on part en tournée en Amérique du Nord, puis on revient en France. On souhaite voir le public dans les salles et que cela nourrisse un quatrième album. J’espère également que SKÁLD trace sa route, et que nous n’aurons plus à batailler pour prouver notre légitimité.

Merci Romain de Agence Singularités pour l’opportunité et Christophe pour votre disponibilité et cet échange très intéressant.

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Last week, Victor proposed you to discover the brand new album of the French band SKÁLD entitled Huldufólk released via Decca Records/Universal Music. This week, he spoke with Christophe Voisin-Boisvinet, creator et producer of SKÁLD for an exchange around the always so fascinating themes approached by the neo-folk project.

Interview by Victor Brunerie

SKÁLD is the unavoidable name of the French folk scene of these last years. Many of us discovered you with the previous album Vikings Memories. How has the band evolved since that album ? 

SKÁLD is a collective adventure, since the beginning. I always chose people around me, we were focused on the first three main performers on the first two albums, but this time, we evolve. We are more and more numerous, some leave, others arrive. We are thirteen in the collective now, we can go up to seventeen. We wanted to put face to face a men’s choir and a women’s choir, and be less focused on solo voices.

We saw you in festivals this summer, and also in Lille, the project attracts more and more, people are opening to this kind of music. What did the last tour bring to the SKÁLD project according to you? 

First of all, we can say that the last tour was the most important one for the band. We had very few dates before, for several reasons: the beginning of the adventure and the difficulty on stage. With the first team, we had a lot of difficulty to reproduce the albums on stage. Now, we manage it more easily thanks to the work we did in residence. We also went to rub shoulders with foreign audiences. The European and Scandinavian tour brought us a lot, it’s quite a challenge to propose our music to a Scandinavian public when we touch their roots, we were rather worried. And yet, we were delighted by the reception we received, and we now feel a little more legitimate than before.

This third album is different, already visually, we abandoned the traditional photo with the members of the project, and we have a visual on the album cover. What did you want to evolve towards?

As soon as we defined the theme of the album: Huldufólk, that is to say the hidden people, all this universe of elves, trolls, wood nymphs, we had the idea of an album much more conceptual and visually less caricatural. We didn’t see ourselves putting the thirteen participants on the cover either. I wanted something more open to the imagination with this knight or this knightess in the middle of this dark forest.

On the album, there are a lot of participants and therefore new instruments that make their entrance. 

Absolutely, we always use the traditional Nordic instruments: the salarpa, nyckelharpa, the hurdy-gurdies… but here, I wanted to add the hurdy-gurdy with horse head, Mongolian instrument whose real name is Morin khuur. We also added didgeridoo, which is not Nordic either, but the sound works perfectly. You can make drowns without using electronics, it’s organic and alive. Maybe we overdid it a bit on this album, but I really like it [laughs]. I still haven’t figured out how we’re going to get on stage and play the didgeridoo and sing at the same time.

What struck me when I listened to this album was the mix of voices that blend together perfectly and form a real collective of voices that bring an element, like a character in a story. 

I’m very happy that it evokes that, because that was the goal. Eight voice timbres were chosen to complement each other. What I like is that the four women’s voices can be distinguished very well from each other, as for example on the track « Hinn Mikli Drekir ». But they can also join together and form one person. For the men too, the voices of Marti Ilmar Uibo and Steeve Petit combine sublimely. For the moment, it is a real vocal group with solos, voices in unison, sometimes different text that overlap. It’s extremely rich and I’m glad you felt it.

I read that you produced this album in a troglodyte chapel. Can you tell us about it? 

This choice is simple: it is my personal studio installed in a troglodyte chapel of the XIth century near Rennes. I recovered this place and installed this atypical studio. We are underground, under a hill and the theme of the album was perfect to feel so close to the fantastic universe. It was perfect for this album, but also for many other things! It plunges us directly in a universe and in a particular time. Since the 11th century, a lot has happened in this place, and it was the right mood for this album.

In the stories told on this album, which are the ones that made the most impression on you during your research and inspired you?

There are different texts, and on each one, there are little magic formulas, which give a spell. The text « Ríðum, ríðum », which is not the oldest, is the one that spoke to me the most. This text speaks about a road that still exists in Iceland, which is the shortest road to go from one point to another, that one takes with fear, fear of making bad encounters. When one takes it, there is an urgency to do it quickly, one whips the horses and one tries to bring out this urgency in the interpretation. I like very much this verbal joust between a troll and a SKÁLD on the title « Troll Kalla Mik », it is a story of periphrasis, of sentence which do not really mean the same thing. We had the whole troll part played by the men and the SKÁLD part by the women. I also have a soft spot for the text « Då Månen Sken » and its shining moon. It is the story of a young man bewitched by a young elf, who ends up losing his mind and will live in the forest all his life full of melancholy.

Even if the album is a set of tales, we end up feeling the album as a big tale by itself. 

Yes exactly, it’s very conceptual. The difficulty was to keep this concept with the two final covers, that’s why there is a small instrumental piece to link the two.

To speak about these two covers, we can find « Du Hast » of Rammstein, and the one that struck me the most « A Forest » of The Cure. Why did you choose these songs? 

« A Forest », I had wanted to do a slowed down, more mysterious version for a very long time. It’s a song I listened to a lot when it came out, I always liked it and I thought the lyrics fit perfectly with the theme of the album. This boy who follows a woman’s voice and who has never been in a forest, who is looking for something that doesn’t exist like Bjorn is bewitched in the track just before « Då Månen Sken ». The old idea of closing the album with this track and the forest sounds came to life. The idea of « Du Hast » started from a jam session, a challenge to cover Rammstein’s most famous song with ancestral instruments and to manage to bring a powerful vision of this song. The challenge pushed us.

The album has been released since four days (at the time of the recording of this interview), what have been the feedbacks so far? 

So far, they are pretty good! Even overall very good, especially from abroad. In France, it is always more complicated, we are always given less legitimacy. What is curious, because in Scandinavia, when we went there, we were a little on eggshells, we were afraid that they would attack us on the authenticity, but in the end no, it was happy that we sing their roots, their tales, whereas it is what they reproach us in France, more than elsewhere. But on this album, for the moment we haven’t had any reproaches. It seems to please on the whole.

To finish, what can we wish to the SKÁLD project?

That we go on the road, and it is what is planned from April 2023, we go on tour in North America, then we return to France. We wish to see the public in the rooms and that this feeds a fourth album. I also hope that SKÁLD will follow its path, and that we won’t have to fight anymore to prove our legitimacy.

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