#Live : Astéréotypie + Trunks + La Belle Bouffe @ L’Aéronef – 13/10/2023

Il existe des centaines de soirées de concerts sur Lille, mais celle que nous propose l’Aéronef en ce vendredi soir est des plus atypiques, pour notre plus grand bonheur ! Avec Astéréotypie à l’affiche il ne pouvait en être autrement, mais l’Aéronef a en plus choisi d’y ajouter tout un concept, avec la Belle Bouffe by la Belle Brute, un DJ set et les Rennais de Trunks en première partie. Retour sur cette soirée exceptionnelle par bien des aspects…

Report par Mégane Canis


En guise de mise en bouche, l’Aéronef et La Belle Brute nous proposent une rencontre avec le collectif Astéréotypie. Celle-ci est complète depuis quelques temps et nous y assistons à distance. Ce collectif est composé de neuf membres, et met en avant 4 auteurs/interprètes : Stanislas Carmont, Claire Ottaway, Yohann Goetzman, Aurélien Lobjoit, sans oublier Félix, homme de l’ombre, tous atteints de Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). Pour ceux qui connaissent l’émission « Le Papotin », ils font également partie de cette rédaction atypique. Nous assistons donc à de beaux échanges lors de cette rencontre avec le public, notamment avec d’autres personnes, parfois très jeunes, ayant également un TSA. On sent déjà qu’on n’est pas à une soirée comme les autres.

On accède à la grande salle de l’Aéronef, et sommes accueillis par… une soupe musicale ! En effet, sur la scène du Club, des cuisiniers s’attèlent à préparer un breuvage, le tout en musique. Tous les ustensiles sont sonorisés, allant du couteau, au moulin à poivre en passant par le hachoir manuel et les plats. Ce concept appelé La Belle Bouffe, nous est proposé par La Belle Brute, label et collectif lillois produisant des artistes et musiques atypiques, dont Astéréotypie. Ces cuisiniers-musiciens d’un soir sont des membres du Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) La Belle Journée de Wazemmes. Les bénéfices de la soupe, qui sera vendue à prix libre à la suite de la prestation, sont d’ailleurs tous reversés à cette association qui permet aux personnes en souffrance psychique ou isolées de bénéficier librement d’un moment de partage. Une mère Noël se présente au micro devenu un poireau pour l’occasion afin de nous présenter ses textes, le premier étant sur le lâcher prise face au regard des autres. Le texte est vrai, authentique et résonne en chacun dans la salle. On observe ce soir que beaucoup de personnes en situation de handicaps divers sont présentes pour cette soirée. On se trouve tous spectateurs de cette création musicale et culinaire, qui prend des formes de joyeux bordel organisé. La prestation prend fin une fois la recette terminée et nous sommes invités à prendre un bon bol de soupe chaude, bien appréciée en cette soirée automnale.

On se tourne alors vers la grande scène pour l’arrivée de Trunks sur scène. Le supergroupe rennais sort aujourd’hui son nouvel album We Dust, plus de 10 ans après le précédent. Leurs mélodies nous enveloppent rapidement. La voix de Laetitia Sheriff est comme une caresse et on se laisse bercer par le saxophone de Daniel Paboeuf. La majorité du public a une soupe chaude en main, et la douceur du groupe nous invite à nous sentir comme chez nous. Les rangs sont clairsemés mais cela permet à chacun de se mettre dans sa bulle et d’apprécier comme il se doit la proposition. On se sent comme dans un moment suspendu. Puis d’un coup, ça claque, comme un orage, aussi bien musicalement que dans les light. On est dans un partage brut des émotions par la musique, grâce au rock parfois jazzy, parfois noisy, du groupe. Ils n’en font pas des caisses sur scène, c’est simple, efficace et surtout authentique. On arrive tout doucement sur la fin du set avec un titre que Laetitia Sheriff qualifie de « dub mélancolique », attestant elle-même que cela est assez antinomique. Mais ça fonctionne et on se laisse encore porter par la musicalité et l’équilibre parfait du groupe. Certains passages font la part belle au saxophone, d’autres à la voix envoûtante de Laetitia Sheriff. Que ce soit l’un ou l’autre on pourrait les écouter des heures, d’autant plus dans cette atmosphère cocooning instaurée ce soir…

Lorsque le rideau se ferme sur Trunks, on retrouve notre soupe musicale pour une deuxième marmite. Notre mère Noël, oratrice, auteure et chanteuse nous propose alors un nouveau texte de son cru. Elle le dédie principalement aux femmes, mais également à certains hommes concernés. Il a pour thème la réaction après une agression. Un sujet lourd, que notre interprète exprime avec brio, scandant « nous sommes des femmes fortes » comme un mantra pour elle-même, qui viendra nous percuter et résonner en nous. Personnellement cette interprétation ne me laissera pas de marbre, atteinte par cette émotion pure et brute, en oubliant un instant le tintamarre culinaire présent sur scène. Le joyeux concert de légumes et d’ustensiles reprend le dessus et une deuxième tournée de soupe viendra réchauffer nos papilles avant la tête d’affiche de la soirée.

Le collectif Astéréotypie monte sur scène dans une salle qui s’est davantage remplie, devant un public impatient d’entendre leur post-punk. Dès les premiers titres on sait qu’on va encore être secoué et se prendre une nuée d’émotions en tous genre dans tout le corps.  Stanislas Carmont va ouvrir le bal par « La colère » dans lequel il exprime tout son ressentiment à propos des contraintes, des injonctions de la société, du regard des autres, des obligations de la vie, scandant plusieurs fois « ce qui me met en colère c’est qu’il y a des gens qui disent que je suis fou ». L’émotion transparaît dans son texte mais aussi dans sa voix et dans tout son corps. On a rarement vu une prestation aussi vraie et authentique. On vit la colère avec lui et on se demande comment on va émotionnellement sortir de ce concert. Ce sera ensuite à Yohann Goetzmann de nous présenter certains de ses textes. Il commencera par chanter dos à nous, nous offrant en spectacle le visage de Brad Pitt, avec le slogan « personne ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme » sur son t -shirt. Claire Ottaway rentre sur scène telle une diva. Son attitude est digne d’une reine. Elle a un plaisir communicatif à être ici et illumine la scène. Les trois auteurs/interprètes présents ce soir vont venir alternativement sur scène. Ils sont accompagnés par quatre musiciens de qualité, faisant partie de ce collectif hors normes, et mettant en valeur les textes par des compositions post punk qui nous embarquent. Yohann revient avec son texte « le cachet ». Celui-ci revêt une importance particulière pour l’artiste, qui nous incombera de nous taire afin d’y être attentif et n’hésitera pas à rappeler à l’ordre ceux qui ne respectent pas son travail. Une nouvelle fois, le titre nous bouleverse tant le vécu y transparaît. Toute la soirée, les titres vont s’enchaîner au gré du passage des artistes, parfois gais, parfois tristes, souvent plein de questions universelles comme celle de l’amour et du désir. Certains textes sont particulièrement décalés et le sens est moins évident pour nous, mais Claire, Yohann et Stanislas y mettent une intention tellement nette que l’on comprend l’essentiel. Finalement, la musique n’est-elle pas un langage universel ? Le public va ensuite s’enflammer lorsque résonne « Personne ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme », titre phare de l’album éponyme sorti en 2022. Claire brille sur ce titre, que ce soit dans son message, nous scandant « la vie réelle est agaçante », que dans son attitude et sa présence scénique. Le dernier titre de la soirée est interprété par Yohann qui finit torse nu, s’agitant dans tous les sens, occupant la scène et étant possédé par son interprétation, telles les plus grandes rockstar. Le public en redemande et Stanislas finit réellement ce concert par « 500 euros », titre parlant de l’argent, de ce qui s’achète ou ne s’achète pas. Le rideau se ferme sur Stanislas, Éric (batterie), Christophe et Arthur (guitare) et Benoît (clavier). Avant de partir, on ne manquera pas de filer au merch dont la queue s’étendra dans tout le hall de l’Aéronef.

 

Ce vendredi, nous ne sommes pas juste venus voir un concert mais plutôt participer à un concept proposé par l’Aéronef et La Belle Brute, invités à passer un moment hors du commun. C’est une soirée qui fait du bien, ou chacun a pu se sentir libre d’être qui il veut, un peu comme un évènement « venez comme vous êtes ». On aimerait que toutes les soirées soient comme celle-ci, chose à laquelle l’Aéronef participe grandement. En sortant, on croise des amis de Yohann qui est accueilli comme il se doit, pris dans les bras et acclamé par des personnes vraiment fière d’être venu le voir. Et même si le concert est fini depuis un moment, l’émotion nous gagne encore et on repart avec le sourire. Les mots clés de cette soirée sont clairement émotion et authenticité. Que ce soit avec la proposition surprenante de La Belle Bouffe, la force tranquille de Trunks et le post punk détonnant de Astéréotypie, nous en avons pris plein les yeux, plein les oreilles, et avons ressenti plus d’émotions que nous pensions pouvoir être possible. Astéréotypie est un groupe de post-punk d’une qualité rare,  qui a, espérons-le, de belles années devant lui.

 

Un grand merci à l’Aéronef pour avoir osé cette soirée décalée, et à la Belle Brute d’y avoir amené toutes ces atypies qu’on aime tant. Et merci à Danièle pour l’accréditation. 

 

Laisser un commentaire