Le 25 avril dernier sortait The Age Of Ephemerality, le deuxième album du quatuor Toulousains Bruit ≤, devenu maître du post rock français par leur écriture unique, leur concert à couper le souffle, et leurs engagements. Nous avons rencontrer Clément Libes (violon, basse) et Théophile Antolinos (guitare) afin de faire le point sur leur carrière, discuter de l’écriture de ce deuxième album, et parler technologie.
par Marye Davenne et Victor Brunerie
Crédit photo : Arnaud Payen
English version below
Marye : On vous a connu, comme beaucoup de monde, avec la sortie de The Machine Is Burning and now everyone knows it could happen again en 2021 qui a totalement explosé, qui a eu un impact assez important sur la scène post rock. Quel est votre ressenti maintenant que l’album est totalement derrière vous, et que vous n’allez peut-être plus jamais ne jouer que cet album en live, sauf au Pelagic Fest cet été ?
Théo : On commence à le voir un peu de loin, car l’album a 4 ans déjà. C’est presque comme un souvenir car on n’a pas joué depuis deux ans et demi, on a l’impression de l’avoir rangé sur une étagère. Mais comme tu dis, on va pouvoir le ressortir bientôt, on est super content de pouvoir jouer des morceaux comme « The Machine Is Burning » bientôt en live. On a eu un EP avant, mais effectivement cet album a eu pas mal d’impacts. On était qu’un groupe qui a fait deux morceaux sur un EP, on sort notre album et on devient un groupe qui est cité dans les influences d’autres groupes, qui a touché énormément de gens. Ca nous a totalement lancé sur la route, et on n’avait fait que des concerts en DIY avant. On s’est retrouvé à avoir beaucoup d’articles, c’était presqu’un peu le vrai début.
Clément : C’est presque une bénédiction et une sorte de pression permanente car ça monte les attentes. D’ailleurs, c’est ce que vous dites bien dans votre chronique, c’est que l’album a eu une certaine résonnance chez les gens, il a eu un vrai succès critique, on s’est fait connaître au grand public, enfin en tout cas, au public de la scène post rock. Et maintenant que la rencontre est faite, il faut reussir à grandir, faire quelque chose de différent, mais ayant cette référence qui est forte. Comme une ombre qui planait au dessus de notre tête pendant toute l’écriture du disque. Est-ce qu’on était dans la redite de The Machine ? est-ce qu’on était dans le contraire de The Machine ? On avait un peu tout le temps cette espèce de référence qui est très riche d’informations et à la fois aussi un peu lourde parfois. Evidemment, on a super hâte de rejouer des titres du premier album comme Industry, qui resteront dans la setlist. On a également hâte de se les réapproprier, et leur donner un son différent. De les reconnecter à la direction artistique du dernier disque.
Marye : Effectivement, c’est signe du talent d’un musicien de savoir faire évoluer son morceau sans le dénaturer
Clément : Et c’est ça qui fait la magie du live pour nous. Il y a un truc qui est très difficile quand tu fais un disque, c’est qu’à un moment donné, tu fais une œuvre qui est fixe, et tu dois le lâcher. Un copain m’a dit une phrase très récemment qui m’a marqué. Il m’a dit « Un morceau ça ne se finit pas, ça s’abandonne ». C’est un peu vrai, les versions albums, ça s’abandonne, mais les versions lives peuvent grandir tous les soirs, évoluer selon l’humeur, l’état d’esprit, l’actualité, selon le feeling que tu as, et c’est toute la magie de faire vivre un disque en live.
Victor : Après cet album, vous êtes parti en tournée avec M83. Comme on l’a dit dans la chronique, on sentait vraiment qu’il vous a clairement laissé comme une carte blanche, ou du moins la possibilité de mettre votre patte dans les morceaux. Qu’est ce que ça vous a apporté en tant que musicien de travailler sur cette tournée ?
Théo : En tant que musicien, oui cette tournée nous a clairement apporté quelque chose. C’était une expérience de dingue qui nous a beaucoup appris, mais c’est vrai que comme vous l’avez dit dans la chronique, il nous a laissé apporter la couleur de Bruit < à son live. Il nous a recruté, pas forcément en tant que bassiste, guitariste, batteur, mais il a embauché le son de bruit. Il a fait le choix d’amener Bruit < dans son live sachant qu’il fallait parcourir tout son répertoire, qui a énormément changer de style avec les années. Il fallait réussir à faire sonner les morceaux comme il sonne habituellement, en amenant la couleur de Bruit <. Donner un peu plus de rock à certains morceaux plus anciens et trouver du liant dans tout ça. Pour nous, c’était hyper enrichissant de se retrouver challenger de jouer ces morceaux qu’on aime car on est fan depuis l’adolescence de M83, et en même temps, d’avoir la liberté de ne pas avoir les mains dans le dos liées à faire quelque chose qui ne nous ressemble pas. C’était la meilleure expérience possible pour nous en tant que musicien de Bruit < de pouvoir faire ce son là, à l’échelle au dessus.
Clément : Et puis, pouvoir se dire que quand t’es un groupe, et qu’il y a un « jouer ensemble », le fait de respirer ensemble, de groover ensemble, c’est quelque chose qui se travaille et se cultive. C’est pour ça qu’un groupe ne joue jamais mieux qu’après une vingtaine de concerts, car ça devient comme une seconde nature. C’est pour ça que les groupes qui jouent ensemble depuis 20 ans, y’a une magie naturelle qui s’opère. Le fait de devoir jouer tous les soirs pendant 80 concerts de 2 heures, ça nous soudait musicalement, rythmiquement, ça a créé une cohésion en tout cas. Le faire à travers un répertoire qui n’est pas le notre, et des idées qui ne sont pas les notre, même si on pouvait mettre notre patte, ça ouvre de nouvelles idées et de nouveaux horizons. Parfois des horizons qu’on explorera jamais avec Bruit < mais qui ont permis d’ouvrir des portes. Il y a aussi les conditions d’une tournée pareille, c’est Noël au niveau du matos, des conditions scéniques, un mix aux ear monitors, une console de son en face où on peut automatiser le mix, des niveaux de production qu’on aurait jamais imaginer. D’office, ça nous inspire des choses pour le disque et la tournée à venir. On sera jamais au niveau d’un projet comme M83 avec un budget fou, mais on va essayer de pousser la production du live, inspiré par ce qu’on a pu achever avec M83.
Victor : Suite à ça, on passe à l’écriture de votre nouvel album, The Age of Ephemerality. Quand est-ce que vous avez commencé à travailler dessus ? Aviez-vous déjà des idées au moment de The Machine Is Burning, ou vous avez laissé passer cet période là.
Clément : Les idées conceptuelles y étaient. D’ailleurs, sur notre Instagram, pendant la tournée de The Machine Is Burning, on avait poster des images que l’on avait faite par IA et on avait lancé un débat en commentaire, sur ce que les gens pensaient des IA. C’est marrant parce que nous commençait à flairer le fait que c’était une défaite totale, mais globalement, il y avait des gens qui disait que c’était plutôt marrant, « les outils c’est pas trop mal en soit, ce qui compte c’est ce qu’on en fait », « Moi je trouve ça cool, ça m’aide à m’inspirer dans ma production ». On s’est dit qu’il y avait un sujet qui n’était pas clair et qui divise. C’était le début où on commençait à s’intéresser à ça, et on a creusé ce sujet, sans savoir que nous allions faire un album qui parlerait technologie. Un sujet qui était dans nos esprits il y a 3 ans. Et puis pendant la tournée de M83, on a commencé à faire des bouts d’idées sur ordinateur. Moi dans chaque ville, je prenais 2-3 heures pour poser mes idées sur ordinateur. De ces idées là, je dois avoir une trentaine de bouts de maquettes sur mon ordi. Il a du en rester que deux ou trois qui sont restés sur le disque. Ca permettait d’explorer des choses. Chacun ramenait des notes, des idées. Le vrai début du travail s’est fait au moment où on a fait le remix avec M83, qui était une manière d’expérimenter avec le set-up et d’essayer d’aborder une nouvelle manière d’enregistrer le groupe. Ca s’est mis en place à ce moment là.
Marye : Dans l’album, on entends des extraits parlé, comme déjà sur l’EP d’avant, l’album d’avant. Ce qui est assez « rigolo », c’est que bien souvent, quand un artiste intègre un discours, un texte, un poème dans sa musique, c’est souvent quelqu’un qui l’inspire, un texte qui le touche. Là, entendre la voix de Mark Zuckerberg, c’est l’opposé total. C’était une vraie volonté de prendre cet inverse ?
Théo : On avait pas vraiment choisi ça à l’avance. On commençait à fouiller dans les samples qu’on voulait utiliser et là, on a fait le même constat que toi, c’est à dire que quand tu fais un morceau, il y a une part de toi, ça te tient à coeur, et tu as envie de mettre quelque chose d’inspirant, qui ne va pas gâcher ton morceau. C’est un peu contradictoire de se dire de mettre Mark Zuckerberg sur quelque chose dont tu as pris le temps de composer etc.. On peut dire que Zuckerberg nous a inspiré, car j’ai du me taper des heures et des heures d’interviews de lui pour trouver les bons moments où il parlait de chiffre. Clément a du extraire tous ces moments et faire le montage sonore, comme un lavage de cerveau
Clément : Je devenais fou [rire] A un moment donné, je me souviens, on s’était dit qu’on allait faire parler que les méchants. En faite, je trouve qu’il y a une ironie telle dans le monde dans lequel on vit, où on sacralise la réussite et le bonheur sur les réseaux sociaux, on voit que des gens musclés, tout sourire, blindés de frics. Un cynisme tel sur ce qui se passe réellement dans la société, dans la nature, que c’est un album de colère, grinçant. Je me suis dis que l’ironie était plus porteur de sens que la moralisation. Il peut y avoir un côté moralisateur d’avoir tout le temps des discours de gens qui expliquent comment il faut vivre. On a voulu faire en sorte que le discours moralisateur soit généré dans la tête de l’auditeur, et que l’auditeur puisse définir son propre résultat.
Marye : Sur les morceaux, vous vous êtes entourés de plein d’autres musiciens. Outre le fait d’avoir énormément de pistes, pour des morceaux riches, était-ce une image que le collectif est important, que construire quelque chose ensemble, c’est signe qu’on n’est pas seul, et que c’est la seule issus possible. L’avenir je le vois prometteur que si on s’unie tous.
Théo : On a avancé un peu à tâtons, on s’est pas de suite dit qu’on voulait intégrer cette symbolique là à l’album. D’un côté, on a fait appel à certains musiciens car il y a un corps de cuivre à jouer qu’on ne peut pas faire nous, donc on avait besoin d’eux. Mais on avait aussi l’idée de vouloir réunir la scène locale, on avait eu plusieurs projets avant Bruit < avec d’autres gens de cette scène, on a pas mal de copains qui font plein de choses intéressantes. On avait une idée de faire une orchestration de larsen de guitares. Quand on s’est retrouvé dans l’église avec toute la réverbération, c’était incroyable. On s’est dit que c’était hyper intéressant de ramener tous les copains qui ont des groupes qui nous plaisent musicalement. La symbolique du futur qui pourra se passer bien que par la connexion entre les individus et l’entraide, ça nous plait énormément.
Clément : Il y a pour sûre une symbolique là dedans. Faire de la musique, c’est aussi quelque chose d’humains qui font des choses dans un espace. C’est pour ça qu’on a choisit aussi des espaces intéressants. On a préféré faire ce moment avec nos amis de la scène locale, dans l’église car théoriquement, on aurait pu le faire tout seul en s’enregistrant les uns à la suite des autres et en superposant les pistes. L’expérience et le résultat n’aurait jamais été le même. Il y a aussi bien dans le résultat, dans le symbolique et dans le moment que l’on a passé, l’envie de vouloir célébrer le faire-ensemble.
Victor : L’album se clôture sur le morceau « The Intoxication Of Power », où vous êtes allés sous terre pour enregistrer le clip. Comment s’est passé cet enregistrement ?
Clément : C’était l’enfer ! Très difficile. Ce n’est pas du tout un endroit fait pour faire de la musique, ni enregistrer une session live. J’ai envie de dire, pour enregistrer la musique, pourquoi pas car l’acoustique était assez exceptionnelle, mais il y avait de l’humidité, des odeurs pas possible, il faisait froid. Tu ne pouvais pas descendre le matériel par l’escalier car c’était des escaliers en échafaudage suspendus au plafond, avec des limitations de poids, donc on ne pouvait même pas passer à plus de une personne à la fois, sinon il y a un risque que ça s’effondre, et tu as 50 mètres de vide sous toi. On a descendu tout le matériel par la grue deux jours avant, ils ont du créer un endroit sec pour pas que ça prenne l’eau pendant les trois jours où tu laisses les instruments. J’ai encore de la terre partout sur mon pédale board. On leur avait demandé d’essayer d’assainir au maximum l’endroit où l’on allait tourner pour qu’on ait pas les pieds et les équipements électriques dans la flotte. J’avais loué des praticables pour pouvoir surélever l’endroit où on jouait. On est arrivé le matin, ils avaient rien enlevé. En plus, il avait plu toute la journée du tournage, donc t’es obligé de revoir ton plan de scène. Enormément de contraintes techniques.
Théo : On s’en rends compte même quand on regarde la vidéo, il y a une ouverture donc quand il pleuvait, ça tombait là où on jouait. On avait une flaque à nos pieds qui grossissait à chaque averse.
Clément : Et puis, tu es sur un chantier, donc ça évolue. Tu fais des visites, tu vois des choses dans la visite, tu prévois la mise en place, ce que tu vas pouvoir amener en terme technique, en terme de lumière. Et tu refais une visite 4 jours plus tard, et entre temps, ils ont monté des murs qui n’étaient pas là, et qui changent tous tes plans. On nous dit que la grue, on ne peut pas la prendre, cet lumière on ne peut plus la mettre à tel endroit. En permanence en train de travailler sur un terrain glissant. C’est aussi la beauté de la chose, ce lieu a été comme ça le jour du tournage, et il ne sera plus jamais comme ça. C’est une belle représentation de l’éphéméralité. Techniquement, c’était hyper contraignant. Même quand on avait joué dans l’église, pour la live session de « The Machine Is Burning », t’es quand même dans un lieu qui accueille des associations musicales, il y a des chaises, des pupitres, des toilettes, un point d’eau, des choses auxquels on pense jamais car c’est là d’office dans les studios, les salles de concerts etc.. Bah dans un chantier, des chaises il n’y en a pas. Il faut penser à tout ça. On a du penser de la chaise, aux toilettes, aux rallonges, à la température, à l’humidité. Extrêmement compliqué avec des surprises jusqu’au dernier moment. Une intensité rare car tu dois travailler avec je ne sais combien de corps de métiers en même temps. On était quand même une équipe d’une cinquantaine de personnes entre les musiciens, les techniciens, les gens qui nous aidaient avec la sécurité etc.. Quand on devait changer les plannings d’une cinquantaine de personnes au dernier moment, eux sur le chantier, c’est une brindille pour eux car ils sont en train de monter des blocs de bétons de 3 tonnes. Si il y a le moindre soucis de sécurité, ils peuvent tuer 10 personnes donc on est juste des saltimbanques qui venons faire du bordel chez eux le dimanche.
Marye : Pour un résultat satisfaisant quand même ! On parle des difficultés ici mais ce n’est pas que ça.
Théo : Oui ça valait le coup. On parle de contraintes, mais c’était une expérience incroyable.
Clément : Oui, tu me demandes comment c’était sur place, je te décris exactement l’enfer après si il y avait un truc assez incroyable, c’était l’acoustique, la réverb qu’on entends dans cette version là, c’est celle du métro en construction. Celle sur l’album, c’est la reverb de l’église. Une acoustique assez magique. Et enfin comme toujours, quand on peut jouer avec des ensembles classiques, un ensemble de cuivres et de cordes, ça donne une magie parce que nous en live, on est parfois obligé de jouer sur des bandes pré-enregistrées pour ces parties là. Les avoir avec nous, ça ramène une émotion encore différente.
Victor : Sur ce morceau, j’ai ressenti un peu la même chose que sur « Industry », il se passe des choses actuellement dans le monde. On a besoin de le dire, l’exprimer, en musique. Comment est venu pour vous le fait d’illustrer vos propos de cette manière ?
Clément : Quand on commence un disque, on a un plan narratif, comme quand tu fais un plan de rédaction au lycée. C’est comme une dissertation. Il y a eu beaucoup de débats, mais on s’est dit qu’on allait faire un disque sur la technologie, qui va questionner notre rapport au progrès technologique. Ca c’était le truc de base. Mais attention, c’est un sujet que tout le monde est en train d’exploiter dans tous les sens. Si tu vas dans n’importe quel musée d’art moderne, tu as des expositions qui questionnent l’IA, des expositions qui questionnent le sens de l’humain. Il y a beaucoup de choses qui questionnent, mais peu qui apportent des réponses ou qui apportent un angle de vue assumé. J’ai l’impression dans l’art contemporain, on est dans un truc de ne pas prendre partie. Du coup, assez rapidement, on s’est dit que notre conclusion, ça serait bien de montrer une vision de ce qu’on pense du progrès technologique. Il y a toujours cet argument que j’ai cité tout à l’heure qui est de dire que ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Pourtant, on aurait jamais un argument pareil pour parler des armes bactériologiques. C’est une technologie où on a tout fait pour légiférer par rapport à ça car c’est une technologie qui est mauvaise en soi, qui a été faite avec un but très clair. Tout le monde est d’accord que ce but est nuisible pour société. Aucune technologie n’est neutre. La science et la recherche scientifique théorique l’est, mais la technologie en soit n’est jamais neutre car elle est produite par une personne avec des fins derrières. Emerveiller par le génie de la nouvelle intelligence artificielle, on oublie ces questions là du « Pourquoi », « Quelle est la raison de développer de telle technologie ? ». La réponse est assez simple et systématique : le pouvoir.
Marye : Je dirai même le pouvoir et l’argent.
Clément : Les deux sont connectés. Il y a une oligarchie qui crée des moyens de productions où ils sont seuls maitres aux commandes. Pour faire un film, il faut une équipe de centaines de personnes. Bientôt, tu pourras peut-être faire un film avec deux prompteurs. Et aujourd’hui, tu le vois très bien sur Spotify, que la moitié des playlists « Chill music for cooking » « Saturday Night » « Piano relaxing music », sont rempli d’artistes qui n’existent pas, des musiques faites par IA pour que Daniel Ek puisse ne pas payer les ayant droit des gens qui font de la musique au pro rata de ce qui est streamé. Ca c’est l’application concrête sur notre médium, mais ça va être partout, dans tous les secteurs. Evidemment on va nous contre carrer en disant « Oui mais à tel endroit, il a des gens qui font des trucs superbes avec les IA ». Alors oui, evidemment qu’il y a des gens qui font des trucs formidables, mais est-ce que ça doit justifier toute la merde qu’il y a autour ? Non je ne pense pas. Ou en tout cas, il ne faut pas se taire sur toute la merde qu’il y a autour, parler de cet élan permanent de vouloir être avide de pouvoir. C’est plus ça le problème de la technologie.
Marye : Personnellement, ça me terrifie les usages qu’ont les IA surtout dans la montée du fascisme partout dans le monde. C’est un débat qu’on a assez souvent et qui je trouve terrifiant. Sinon, sur une notre plus joyeuse, vous allez partir en tournée avec Alcest à l’automne prochain, qu’attendez-vous de cette tournée ? Car avec Alcest, vous aurez peut-être plus de public vraiment métal que le post rock, même si Alcest est à la frontière avec le shoegaze.
Théo : Ca va clairement nous permettre de faire écouter notre musique à un public différent. Après, Alcest c’est assez inclassable. Je pense que c’est assez dur d’établir une sociologie du fan type d’Alcest, et c’est assez difficile de décrire sa musique en quelques mots. On prends ça comme un honneur car il nous fait confiance en nous laissant prendre la parole sur sa tournée. On a hâte de voir comment les gens vont réagir.
Marye : Un grand merci pour votre temps et vos réponses, et on se revoit au Pelagic Fest, à Bethune et à Anvers !
Clément : Merci beaucoup, à bientôt.
Un grand merci à Romain pour cette opportunité, et à Bruit pour leur temps et ce sublime album.
April 25th saw the release of The Age Of Ephemerality, the second album from Toulouse quartet Bruit ≤, who have become masters of French post-rock thanks to their unique songwriting, breathtaking live shows and commitment. We caught up with Clément Libes (violin, bass) and Théophile Antolinos (guitar) to find out more about their career, discuss the writing of their second album, and talk technology.
by Marye Davenne and Victor Brunerie
Marye: Like a lot of people, we first got to know you with the release of The Machine Is Burning and now everyone knows it could happen again in 2021, which totally blew up and had quite a big impact on the post-rock scene. How do you feel now that the album is totally behind you, and that you may never play anything but this album live again, except at Pelagic Fest this summer?
Théo: We’re starting to see it from a bit of a distance, because the album is already 4 years old. It’s almost like a memory, because we haven’t played it in two and a half years, so it feels like it’s been put away on a shelf. But as you say, we’re going to be able to bring it out again soon, and we’re really excited to be able to play tracks like « The Machine Is Burning » live soon. We had an EP before, but this album really made quite an impact. We were just a band that did two tracks on an EP, then we released our album and we became a band that was cited as an influence by other bands, that touched a lot of people. It totally launched us on the road, and we’d only done DIY gigs before. We ended up getting a lot of articles, so it was almost like the real beginning.
Clément: It’s almost a blessing and a kind of permanent pressure because it raises expectations. And that’s what you say in your review, that the album has had a certain resonance with people, it’s been a real critical success, we’ve made ourselves known to the general public, or at least to the public of the post-rock scene. And now that we’ve made that connection, we have to grow and do something different, but with that strong reference. It was like a shadow hovering over our heads throughout the writing of the album. Did we end up repeating The Machine? Did we end up doing the opposite of The Machine? We had this sort of reference all the time, which was very rich in information but also a bit heavy at times. Obviously, we’re really looking forward to playing tracks from the first album like Industry again, which will remain in the setlist. We’re also looking forward to reappropriating them and giving them a different sound. To reconnect them with the artistic direction of the last album.
Marye: Indeed, it’s a sign of a musician’s talent to know how to develop a song without altering it.
Clément: And that’s what makes live music so magical for us. There’s one thing that’s very difficult when you’re making a record, and that’s that at a given moment you’re making a work that’s fixed, and you have to let go of it. A friend of mine said something to me very recently that really impressed me. He said ‘You can’t finish a piece, you have to let it go’. It’s true to a certain extent, album versions can be abandoned, but live versions can grow every night, evolve according to the mood, the state of mind, the current events, according to the feeling you have, and that’s the magic of bringing a record to life live.
Victor: After this album, you went on tour with M83. As we said in the review, we really felt that he had given you carte blanche, or at least the chance to put your own stamp on the tracks. What did you get out of working on this tour as a musician?
Théo: As musicians, yes this tour clearly gave us something. It was a crazy experience that taught us a lot, but it’s true that as you said in the review, he let us bring the colour of Bruit < to his live show. He hired us, not necessarily as bassist, guitarist, drummer, but he hired the sound of bruit. He chose to bring Bruit < to his live show knowing that he had to go through his entire repertoire, which has changed style enormously over the years. We had to manage to make the tracks sound like they usually do, while bringing in the Bruit < colour. We had to give some of the older tracks a bit more rock feel and find a way of tying everything together. For us, it was hyper enriching to find ourselves challenged to play these tracks we love because we’ve been fans of M83 since we were teenagers, and at the same time, to have the freedom not to have our hands tied behind our backs doing something that doesn’t sound like us. It was the best possible experience for us as Bruit < musicians to be able to make that sound, on the scale above.
Clément: And then, to be able to say to yourself that when you’re a band, and there’s a ‘playing together’, the fact of breathing together, of grooving together, is something that you have to work at and cultivate. That’s why a band never plays better than after twenty or so concerts, because it becomes second nature. That’s why bands that have been playing together for 20 years, there’s a natural magic that happens. The fact that we had to play 80 2-hour gigs every night welded us together musically and rhythmically, created a sense of cohesion in any case. Doing it with a repertoire that’s not ours, and ideas that aren’t ours, even if we could put our own stamp on them, opens up new ideas and new horizons. Sometimes horizons that we’ll never explore with Bruit < but which have opened doors. There’s also the conditions of a tour like this, it’s Christmas in terms of the equipment, the stage conditions, a mix with ear monitors, a sound console opposite where we can automate the mix, levels of production that we could never have imagined ourselves. It’s a real inspiration for the record and the tour to come. We’ll never be on the level of a project like M83 with its crazy budget, but we’re going to try and push the production of the live album, inspired by what we were able to achieve with M83.
Victor: Following on from that, let’s move on to the writing of your new album, The Age of Ephemerality. When did you start working on it? Did you already have ideas at the time of The Machine Is Burning, or did you let that period pass?
Clément: The conceptual ideas were there. In fact, on our Instagram, during The Machine Is Burning tour, we posted images we’d made using AI and we started a debate on the comments about what people thought of AI. It’s funny because we were beginning to feel that it was a total defeat, but overall, there were people who said it was pretty funny, ‘the tools aren’t too bad in themselves, it’s what you do with them that counts’, ‘I think it’s cool, it helps inspire me in my production’. We realised that there was a subject that was unclear and divisive. We were just starting to get interested in that, and we dug into it, not knowing that we were going to make an album about technology. It’s a subject that was on our minds 3 years ago. And then, during the M83 tour, we started coming up with bits of ideas on the computer. In each city, I spent 2-3 hours putting my ideas on the computer. Of those ideas, I must have about thirty bits and pieces on my computer. There must have only been two or three left on the disc. It was a great way of exploring things. Everyone brought back notes and ideas. The real work started when we did the remix with M83, which was a way of experimenting with the set-up and trying out a new way of recording the group. It all came together at that point.
Marye: On the album, you hear some spoken excerpts, like on the EP and the album before that. What’s quite ‘funny’ is that very often, when an artist integrates a speech, a text or a poem into their music, it’s often someone who inspires them, a text that moves them. Hearing Mark Zuckerberg’s voice on this album is the complete opposite. Did you really want to go the other way?
Théo: We hadn’t really decided on that in advance. We started looking at the samples we wanted to use and we came to the same conclusion as you, i.e. that when you make a track, there’s a part of you that holds it close to your heart and you want to use something inspiring that won’t spoil your track. It’s a bit contradictory to think you’re putting Mark Zuckerberg on something you’ve taken the time to compose and so on. You could say that Zuckerberg inspired us, because I had to sit through hours and hours of interviews with him to find the right moments when he was talking about numbers. Clément had to extract all those moments and do the sound editing, like a brainwashing exercise.
Clément : I was going crazy [laughs] At one point, I remember, we thought we were only going to get the bad guys talking. In fact, I think there’s such an irony in the world we live in, where success and happiness are sacred on social networks, and all we see are muscular people, all smiles, loaded with cash. It’s such a cynicist view of what’s really going on in society, in nature, that it’s an angry, grating album. I thought that irony was more meaningful than moralising. There can be a sanctimonious side to having people talking all the time about how we should live. We wanted to make sure that the moralizing was generated in the listener’s head, and that the listener could define his or her own result.
Marye: On the tracks, you have surrounded yourself with lots of other musicians. Apart from the fact that you had a huge number of tracks, for rich songs, was it an image that the collective is important, that building something together is a sign that you’re not alone, and that it’s the only possible outcome? I don’t see a bright future unless we all pull together.
Théo: It was a bit of a trial and error process, but we didn’t immediately decide that we wanted to incorporate this symbolism into the album. On the one hand, we called in some musicians because there’s a brass section to play that we can’t do ourselves, so we needed them. But we also had the idea of wanting to bring together the local scene, we’d had several projects before Bruit < with other people from this scene, we have quite a few friends who do lots of interesting things. We had an idea to do an orchestration of guitar feedback. When we ended up in the church with all the reverb, it was incredible. We thought it would be really interesting to bring along all our friends who have bands we like musically. We really liked the symbolism of a future that can only happen if people connect and help each other.
Clément: There’s definitely a symbolism there. Making music is also about human beings doing things in a space. That’s why we chose interesting spaces. We preferred to do this moment with our friends from the local scene, in the church, because theoretically, we could have done it on our own by recording each other one after the other and superimposing the tracks. The experience and the result would never have been the same. In the result, in the symbolism and in the time we spent together, there’s a desire to celebrate doing things together.
Victor: The album closes with the track ‘The Intoxication Of Power’, where you went underground to record the video. What was that like?
Clément: It was hell! Very difficult. It’s not at all a place made for making music, or recording a live session. I’m tempted to say that if you wanted to record music, why not, because the acoustics were quite exceptional, but it was humid, there were unbearable smells and it was cold. You couldn’t get the equipment down the stairs because they were made of scaffolding suspended from the ceiling, with weight limits, so you couldn’t even get more than one person down at a time, otherwise there was a risk of it collapsing, and you had 50m of emptiness below you. We brought all the equipment down by crane two days beforehand, so they had to create a dry spot so it wouldn’t get waterlogged during the three days you leave the instruments. I’ve still got dirt all over my pedal board. We’d asked them to try and clean up the area where we were going to be shooting as much as possible so that we didn’t get our feet and electrical equipment in the water. I’d hired a number of risers to raise the area where we were playing. We arrived in the morning and they hadn’t removed anything. What’s more, it had been raining all day during the shoot, so you had to revise your scene plan. There were a lot of technical constraints.
Théo : You can see it even when you watch the video, there’s an opening so when it rained, it fell where we were playing. We had a puddle at our feet that got bigger every time it rained.
Clément: And you’re on a building site, so things evolve. You do visits, you see things during the visit, you plan the set-up, what you’re going to be able to do in technical terms, in terms of lighting. Then you come back for another visit 4 days later, and in the meantime they’ve put up walls that weren’t there before, which changes all your plans. We’re told that the crane can’t be used, that the light can’t be placed in such and such a place. You’re constantly working on a slippery slope. That’s also the beauty of it: the place was like that on the day we shot, and it will never be like that again. It’s a beautiful representation of ephemerality. Technically, it was extremely demanding. Even when we played in a church, for the live session of The Machine Is Burning, you’re still in a place that hosts musical associations, there are chairs, desks, toilets, a water point, things that you never think about because they’re there as standard in studios, concert halls etc… But on a construction site, there aren’t any chairs. You have to think about all that. We had to think about chairs, toilets, extension cords, temperature and humidity. Extremely complicated, with surprises right up to the last minute. A rare intensity because you have to work with I don’t know how many different trades. We were a team of about fifty people, including musicians, technicians, people helping us with security and so on. When we had to change the schedules of fifty or so people at the last minute, it was like a twig for them on the site because they were putting up 3-tonne concrete blocks. If there’s the slightest concern about safety, they can kill 10 people, so we’re just a bunch of entertainers who come and make a mess on their Sunday.
Marye: But the result is still satisfactory! We’re talking about the difficulties here but
Théo: Yes, it was worth it. We’re talking about constraints, but it was an incredible experience.
Clément: Yes, you ask me what it was like on the spot, I’ll tell you exactly what hell was like afterwards. If there was one thing that was pretty incredible, it was the acoustics, the reverb you hear in this version is that of the metro under construction. The one on the album is the reverb from the church. Quite a magical acoustic. And finally, as always, when we can play with classical ensembles, a brass ensemble and strings, it’s magical because live we sometimes have to play on pre-recorded tapes for these parts. Having them with us brings an even different emotion.
Victor: On this track, I felt a bit the same as on ‘Industry’, that things are happening in the world at the moment. We need to express that in music. How did you come to illustrate your points in this way?
Clément: When you start an album, you have a narrative plan, like when you write an essay at school. It’s like an essay. There were a lot of debates, but we decided that we were going to make an album about technology, which would question our relationship with technological progress. That was the basic idea. But be warned, it’s a subject that everyone is exploiting in every direction. If you go to any museum of modern art, you’ll find exhibitions that question AI, exhibitions that question the meaning of the human. There are lots of things that raise questions, but very few that provide answers or take an assertive viewpoint. I have the impression that in contemporary art, we’re in the business of not taking sides. So, quite quickly, we said to ourselves that our conclusion would be to show a vision of what we think of technological progress. There’s always the argument I mentioned earlier that it’s what you do with it that counts. Yet we would never have a similar argument about bacteriological weapons. It’s a technology where we’ve done everything we can to legislate against it because it’s a technology that’s bad in itself, that was made with a very clear aim. Everyone agrees that this purpose is harmful to society. No technology is neutral. Science and theoretical scientific research is, but technology itself is never neutral because it is produced by a person with a purpose behind it. Amazed by the genius of the new artificial intelligence, we forget these questions of ‘Why’, ‘What is the reason for developing such technology? The answer is quite simple and systematic: power.
Marye: I’d even go so far as to say power and money.
Clément: The two are connected. There is an oligarchy that creates the means of production where they are the only masters at the controls. To make a film, you need a team of hundreds of people. Soon you may be able to make a film with two teleprompters. And today, as you can see on Spotify, half of the playlists ‘Chill music for cooking’ ‘Saturday Night’ ‘Piano relaxing music’, are filled with artists who don’t exist, music made by AI so that Daniel Ek can avoid paying the rights holders of the people who make the music pro rata to what is streamed. That’s the concrete application in our medium, but it’s going to be everywhere, in every sector. Of course, people are going to argue with us, saying ‘Yes, but in such and such a place, there are people doing superb things with AI’. So yes, of course there are people doing great things, but does that justify all the shit that’s going on around them? I don’t think so. Or in any case, we shouldn’t keep quiet about all the shit that’s going on around us, about this constant drive to be greedy for power. That’s more the problem with technology.
Marye: Personally, I’m terrified by the way AIs are being used, especially in the rise of fascism around the world. It’s a debate we have quite often and one that I find terrifying. On a happier note, you’re going on tour with Alcest next autumn, what are you looking forward to? Because with Alcest, you may have more of a real metal audience than post rock, even if Alcest is on the border with shoegaze.
Théo: It’s definitely going to give us a chance to get our music heard by a different audience. After that, Alcest are pretty unclassifiable. I think it’s pretty hard to establish a sociology of the typical Alcest fan, and it’s pretty hard to describe their music in a few words. We take it as an honour because he’s put his trust in us by letting us speak on his tour. We can’t wait to see how people react.
Marye: Many thanks for your time and your answers, and we’ll see you at Pelagic Fest, Bethune and Antwerp!
Clément : Thank you very much, see you soon.
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