Ce 24 octobre sort World Maker, le troisième album des belges de Psychonaut. Difficile de croire qu’on en est qu’à leur troisième sortie tant leur stature sur la scène post-prog belge donne l’impression d’un groupe bien plus ancien. Sorti chez Pelagic Records, ce nouvel opus marque un tournant personnel et artistique : né d’une joie immense, la paternité de Stefan De Graef et d’une perte profonde, il abandonne les constructions philosophiques de leurs précédents opus pour embrasser une clarté émotionnelle saisissante. Pensé comme un héritage pour les générations futures, World Maker célèbre la beauté du présent avec une intensité rare, confirmant une fois encore que Psychonaut appartient au gratin de la musique belge, ou même de la scène post en général.
par Marye Davenne
English version below
Il y a dans World Maker une lumière qui vacille au dessus de nous. Psychonaut ne compose pas ici un simple album : il façonne un autel sonore à la vie et à la mort, un lieu de recueillement et de célébration. Dès les premières notes du morceau éponyme, un orgue Rhodes s’élève, comme un souffle sacré. Il évoque les églises, les rites, les passages. Et comment ne pas penser aux trois événements fondateurs de ce disque : la paternité de Stefan De Graef, et la perte des pères de Stefan et Thomas Michiels, tous deux emportés par le cancer. World Maker est un chant de naissance et de deuil, un album qui regarde la fin droit dans les yeux pour mieux embrasser le commencement.
Avec « Endless Currents », le groupe retrouve ses marques : les guitares staccato, les rythmes soutenus, cette signature sonore qui fait qu’on reconnaît Psychonaut dès les premières secondes. Mais ici, quelque chose s’est épuré. Les paroles résonnent comme un appel à suivre la joie, à se laisser porter par le courant. Le morceau s’élève, se brise, et dans ses derniers mots, on entend à la fois un salut et un adieu. « Everything Else Is Just The Weather » suspend le temps. Un solo de guitare folk d’une beauté rare nous emporte dans les airs, retenus par la gravité de la batterie, attirés par la douceur du ciel. C’est un moment de grâce, lumineux, presque céleste, où le rock progressif est à son apogée. Puis vient « And You Came With Searing Light », rugueux, tribal, viscéral. C’est le morceau qui semble le plus proche des racines du groupe, avec ses riffs puissants et ses voix rugissantes. Il prépare le terrain pour « Origins », où la voix éthérée d’Anthe Huybrechts s’élève, portée par le tabla, un tambours à main indiens et la batterie de Harm Peters qui est monumentale. Le rythme devient battement de cœur, pulsation primitive, comme si le monde reprenait vie.
Et puis il y a « Stargazer », dédié au fils de Stefan, né en position tête en haut. Le chant se fait berceuse, les couplets sont tendres, presque murmurés. C’est une lettre d’amour, une promesse, un regard tourné vers l’avenir. Les influences prog s’y déploient avec une élégance folle, rappelant les envolées de The Ocean Collective, mais avec une chaleur propre à Psychonaut. Pas étonnant donc de les retrouver chez Pelagic Records une fois encore. Enfin, « Endless Erosion » clôt le voyage. On ne sort pas indemne de cette traversée. On en ressort changé, comme après une longue marche dans les montagnes, le souffle court, mais le cœur ouvert.
Psychonaut sont de brillants compositeurs et musiciens. Ils naviguent avec aisance entre les styles — post-metal, prog, tribal, ambient — tout en conservant une identité sonore profondément reconnaissable. Avec World Maker, Psychonaut nous régale une fois de plus, livrant un album aussi puissant qu’émouvant, aussi intime qu’universel. Il y a des albums qui ne se contentent pas de nous parler, ils nous traversent. World Maker est de ceux-là. Ayant eu la chance de les voir six fois en concert lors de la tournée de Violate Consensus Reality, je ne peux que vous encourager à vivre cette expérience en live. Leur présence scénique est magnétique, presque spirituelle. Et si vous en avez l’occasion, ne manquez pas leur passage le 16 novembre prochain à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, en compagnie de Bruit < pour une soirée qui s’annonce inoubliable.

Tracklist :
1. World Maker
2. Endless Currents
3. You Are The Sky
4. Everything Else Is Just The Weather
5. And You Came With Searing Light
6. Origins
7. All In Time
8. Stargazer
9. All Was Quiet
10. Endless Erosion
October 24th sees the release of World Maker, the third album from Belgian band Psychonaut. It’s hard to believe that this is only their third release, as their stature on the Belgian post-prog scene gives the impression of a much older band. Released on Pelagic Records, this new opus marks a personal and artistic turning point: born out of immense joy, Stefan De Graef’s fatherhood and a profound loss, it abandons the philosophical constructions of their previous works to embrace a striking emotional clarity. Conceived as a legacy for future generations, World Maker celebrates the beauty of the present with rare intensity, confirming once again that Psychonaut belongs to the elite of Belgian music, or even the post scene in general.
In World Maker, there is a light flickering above us. Psychonaut has not simply composed an album here: he has crafted a sonic altar to life and death, a place of contemplation and celebration. From the very first notes of the eponymous track, a Rhodes organ rises like a sacred breath. It evokes churches, rituals, and transitions. And how can we not think of the three founding events of this record: the fatherhood of Stefan De Graef, and the loss of the fathers of Stefan and Thomas Michiels, both taken by cancer. World Maker is a song of birth and mourning, an album that looks the end straight in the eye in order to better embrace the beginning.
With “Endless Currents,” the band finds its footing again: staccato guitars, sustained rhythms, that signature sound that makes Psychonaut recognizable from the very first seconds. But here, something has been refined. The lyrics resonate like a call to follow joy, to let yourself be carried away by the current. The song rises, breaks, and in its final words, we hear both a greeting and a farewell. “Everything Else Is Just The Weather” suspends time. A folk guitar solo of rare beauty carries us into the air, held back by the gravity of the drums, drawn by the softness of the sky. It’s a moment of grace, luminous, almost celestial, where progressive rock is at its peak. Then comes “And You Came With Searing Light,” rough, tribal, visceral. It’s the track that seems closest to the band’s roots, with its powerful riffs and roaring vocals. It sets the stage for “Origins,” where Anthe Huybrechts‘ ethereal voice rises, carried by the tabla, Indian hand drums, and Harm Peters‘ monumental drums. The rhythm becomes a heartbeat, a primitive pulse, as if the world were coming back to life.
And then there’s “Stargazer,” dedicated to Stefan’s son, who was born in a head-up position. The song is lullaby-like, with tender, almost whispered verses. It’s a love letter, a promise, a look toward the future. The prog influences unfold with incredible elegance, reminiscent of The Ocean Collective‘s flights of fancy, but with a warmth unique to Psychonaut. It’s no surprise to find them once again on Pelagic Records. Finally, “Endless Erosion” brings the journey to a close. You don’t come out of this journey unscathed. You come out changed, like after a long walk in the mountains, breathless but with an open heart.
Psychonaut are brilliant composers and musicians. They navigate effortlessly between styles—post-metal, prog, tribal, ambient—while maintaining a deeply recognizable sound identity. With World Maker, Psychonaut treats us once again, delivering an album that is as powerful as it is moving, as intimate as it is universal. There are albums that don’t just speak to us, they move us. World Maker is one of those. Having had the chance to see them six times in concert during the Violate Consensus Reality tour, I can only encourage you to experience them live. Their stage presence is magnetic, almost spiritual. And if you get the chance, don’t miss their show on November 16th at the Ancienne Belgique in Brussels, alongside Bruit, for what promises to be an unforgettable evening.
A lire aussi / Also to be read :

[…] envoûter que nous percuter. Le groupe enchaîne les titres, faisant évidemment la part belle à World Maker, paru il y a moins d’un mois. La formation n’en oublie pas pour autant le classique “The Fall […]
J’aimeJ’aime